La serre de Jussieu, située sur le toit du gymnase de l’UPMC, est le lieu de production des espèces végétales nécessaires aux laboratoires de recherche de l’université tout au long de l’année, et également une zone d'enseignement. Elle possède 10 compartiments de cultures pour lesquels les conditions de températures et d’arrosage peuvent être déterminées indépendamment selon les espèces cultivées sur le moment et la météorologie extérieure. Les eaux d’arrosages en excès sont évacuées au sol dans chaque compartiment et stockées dans une cuve extérieure située à la base du gymnase, celles-ci sont assez pauvre en polluants de types pesticides et contiennent principalement des débris organiques végétaux et des traces d’engrais NPK (azote, phosphate, potassium). Avec un débit d’effluents variables et une situation physique ne permettant pas leur évacuation définitive sans intervention humaine, la serre de Jussieu est le lieu idéal de mise en place d’un système innovant de traitements des eaux usées dans une démarche pédagogique. Le système que nous présentons est développé par de nombreuses entreprises dans le monde mais reste peu répandu. La start-up “Ennesys”, basée à Nanterre, est spécialisée dans ce domaine et nous a fourni de nombreuses informations. L’objectif de ce projet est de faire connaître ce système au grand public à l’aide d’une petite installation, pas nécessairement rentable, mais suffisante pour démontrer son efficacité. A grande échelle, ce système permettrait de limiter les pertes d’eau, notamment dans les régions isolées ou arides du monde.
==== Principe ====
L’utilisation des microalgues dans l’épuration des eaux présentent plusieurs avantages : d’une part, leur facilité de culture, puisqu’elles ne nécessitent que de la lumière, du CO2, et des nutriments, ces derniers se trouvant dans les eaux usées à traiter. D’autre part, les déchets engendrés par leur utilisation (biomasse, algolipides et hydrogène) sont valorisables dans la filière énergétique ou agricole, rendant l’ensemble du processus écologique. Cependant, dans le cas de la serre, cette biomasse contiendra des OGMs, son utilisation nécessitera donc un passage préalable à l'autoclave, elle sera donc principalement utilisable comme biochars (molécules désorganisées).
Les microalgues épuratrices sont cultivées en extérieur dans des bioréacteurs transparents, (préférentiellement dans un lieu d’ensoleillement maximal), dans lesquels la biomasse algale baigne dans l’eau à épurer apportée ponctuellement (culture de type batch).</wrap>
==== Planification des étapes du projet et de leurs durées ====
En couleur pleine, les étapes critiques. Les pointillées correspondent aux étapes qui bénéficient d'une certaine marge de temps. Légende des couleurs dans l'ordre de déroulement des tâches : Dimensionnement théorique (violet clair) ; Validation empirique (bleu clair); Matériel et installation (bleu sombre)
==== Mise en place du système ====
Dans un premier temps nous devons mesurer l’ensoleillement de la terrasse du gymnase (minimum requis : 1000 lumen/m2 soit 1.4641 W/m2), l'utilisation de bases de données d'ensoleillement annuel sur la ville de Paris ainsi que l'exposition du site devrait permettre une estimation correct de ce paramètre.
Il faut ensuite prévoir plusieurs prélèvements de l'eau (après un arrosage classique, après un apport de javel et/ou pesticides), puis les analyser par dosage au photomètre, de manière à établir la proportion dans laquelle elle sera diluée, en comparant avec le milieu de culture standard des algues (bold basal medium).
On peut déjà se faire une idée des taux de javel et de pesticides dans l'effluent, et établir des hypothèses sur la faisabilité des cultures (la javel notamment rend cette pratique difficile).
A partir de ces données, on peut sélectionner l’espèce la plus adaptée parmi Chlorella vulgaris, Scenedesmus abundans ou Chlamydomonas reinhardii (cette dernière espèce peut être testée, mais elle est peu robuste). On pourra alors prédire un modèle mathématique de croissance des algues.
D’après la formule de Redfield, les taux de nutriments et d'oxygène mesurés, on peut estimer la quantité de biomasse que l'on pourra potentiellement obtenir.
C106H263O110N16P1 + 138 O2 = 106 CO2 + 16 NO3- + 1 HPO4- + 122 H2O + 18 H+
Composition élémentaire moyenne d’une algue = (Redfield Ratio, 1958)
A cette étape, on peut commencer à réfléchir à l’emplacement des installations grâces aux plans de la serre et du gymnase.
Il faut à présent vérifier les hypothèses proposées par la pratique.
On achète et cultive les algues jusqu'à une concentration de 1 million de cellule/mL, ce qui va permettre l'inoculation pour les tests.
Une fois nos algues cultivées, on teste alors les dilutions optimales estimées :
On cultive dans des cuves (1L) 3 lots témoins (milieu bold basal), et 6 échantillons de l’eau de la cuve à ces différentes dilutions. Cette expérience est réitérée deux fois, et dure 14 jours. On relève le taux de croissance des algues et le taux d’abattement des nutriments, qui devrait suivre des graphiques semblables :
La phase de croissance exponentielle des algues correspond au plus grand rendement de dépollution hors plateau (on ne veut pas maximiser le rendement de biomasse). La dilution présentant le plus rapidement la phase exponentielle est sélectionnée (ici, la dilution 3).
En parallèle, on réalise un suivi quotidien des eaux de la cuve de la serre.
Il a été noté que des algues natives de la serre sont déjà présentent dans la cuve. Le mieux serait donc de réaliser les tests précédents en présences de ces algues “autochtones”. La présence d'autres espèces d'algues ne devrait pas poser de problème car les espèces sélectionnées pour la dépollution sont compétitives, mais il s'agit d'un paramètre qui peut avoir une influence sur les taux de nutriments/croissance dans le temps.
Les résultats obtenus permettent d’obtenir la dilution pour une croissance optimale, donc la quantité d'eau de ville à avoir constamment dans le système (quand et avec quel débit injecter l'eau). Les dimensions des photobioréacteurs et des colonnes de sédimentation peuvent être définies. On peut également estimer de manière plus précise la quantité de biomasse obtenue dans le temps, et donc les moments où il faudra vider la colonne de sédimentation.
A ce stade, la question de la Javel peut être résolue. Si des algues se sont développées à certaines dilutions, la culture est possible. Dans le cas contraire, le projet est difficilement réalisable sans des changements d'habitudes sanitaires.
Le débit d'effluent dilué connu, on peut alors acheter le matériel nécessaire :
Il est nécessaire qu'une personne soit assignée à la maintenance du système. D'après une expérience similaire à la notre, nous avons pu estimer une fréquence de passage pour l'entretien d'une fois toutes les deux semaines. Pour fonctionner correctement, le système doit subir plusieurs opérations :
==== Estimation des coûts ====
L'achat ou non d'un photomètre pour l'analyses des composés des effluents va influer grandement sur le budget. D'autre part, certains coûts vont augmenter avec le nombre de photobioréacteurs du dispositif, c'est notamment le cas pour les éléments du systèmes de régulation du PH (régulateur de PH et électrovanne) qui doivent être présent pour chacun des réacteurs. Les bouteilles de CO2 devront être renouvelées régulièrement pour assurer le fonctionnement du système.
==== Vers une démarche pédagogique ====
Le but du projet n'est pas d'obtenir un rendement en biomasse économiquement rentable. Il est avant tout à visée pédagogique : un système de recyclage de l'eau presque autonome mérite d'être connu par le grand public, notamment par les étudiants de Jussieu. Les étudiants ont un réel impact sur le développement des projets à long terme, si ils sont convaincus du fonctionnement d'un procédé, ils hésiterons moins à s'y investir dans leur avenir professionnel. Les jeunes générations actuelles sont nécessaires aux transitions énergétiques et au développement durable. Cependant, la faculté n'est pas qu'un lieu de passage d'étudiants. Des chercheurs, mais aussi des investisseurs et responsables d'entreprise provenant de nombreuses filières s'y rendent régulièrement pour des colloques, des conférences, des partenariats etc. La visibilité qu'offre la faculté est plus intéressante qu'un simple mur ou toit de Paris.
Il faut également prévoir la visibilité du système au sein même de la faculté. Deux cas sont ici possibles :
La disposition initiale, avec forte exposition sur le toit, mais ne prenant pas compte des travaux de la serre de 2015. La visibilité serait moins importante ici, mais pourrait être complétée par un système d'information relayant le fonctionnement (affiches etc.). Les futurs travaux de la serre (2015) sont pris en compte : le dispositif ne se situerait plus sur le toit, mais au sol, près d'un lieu de passage, ce qui est avantageux. La luminosité serait tout de même suffisante pour le bon fonctionnement du système.
Plusieurs thèmes scientifiques et sociétaux peuvent être abordés, par exemple par des écriteaux, à côté des différentes étapes du système :
Points forts | Points faibles |
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Un coût de mise en place relativement faible | Le rendement faible pour ce modèle de système |
Une démarche pédagogique facile à mettre en oeuvre | La présence de Javel et de pesticides qui peut empêcher le développement des algues |
L'attrait du fonctionnement “visible à l'oeil nu” | L'estimation de la biomasse produite et la faisabilité prévisibles tardivement dans le processus |
Le peu d'espace nécessaire | Les aléas climatiques |
Les différentes valorisations possibles de la biomasse | |
Entretien non quotidien | |
Fonctionnement ponctuel des pompes : diminution du coût énergétique |
==== Conclusion ====
Il existe plus de 18000 stations d'épuration en France, avec un volume d'eau usée à traiter de 5 milliards de m3. Des entreprises spécialisées dans l'épuration au micro-algues comme Ennesys réussissent à épurer 48% des eaux usées. Si chaque bâtiment possédait un système comme celui que nous présentons, on pourrait réduire ces chiffres de moitié. La valorisation des eaux usées est un enjeu majeur en France, mais encore plus dans les régions du monde où l'accès à l'eau potable est difficile, et ce système présente l'avantage d'être relativement simple à réaliser et écologiquement viable. De plus la Biomasse produite pouvant ensuite être utilisée pour produire de l'énergie ou revendue, cela permet de rentabiliser les coûts de fonctionnement du système. Nous pensons que ce système mérite d'être connu du grand public pour être utilisé à grande échelle, c'est pourquoi nous avons voulu mettre en avant une démarche pédagogique. Ce système peut sembler complexe au premier abord, mais nos recherches pour ce projet nous ont montré que sa réalisation était plus simple qu'il n'y paraît.
Nous tenons à remercier les personnes suivantes pour leur aide précieuse :
Conférence d'Anaïs Guibert, Ennesys